Pêche artisanale à St jean de Luz / Ciboure
Une victoire pour les petits pêcheurs qui prônent une pêche durable : le parlement européen veut interdire les rejets en mer et changer Le thon rouge pourrait être de retour
[ Extrait du journal Sud Ouest du 14 février 2013 ] :
C’est une belle victoire pour la pêche artisanale. À une très large majorité (1), le Parlement européen vient de poser les jalons d’une politique commune de pêche durable qui démontre une volonté de lutter concrètement contre la surpêche. Objectif : permettre aux stocks de poissons de se reconstituer.
«Enfin, la petite pêche artisanale se fait entendre. Enfin, l’Europe admet que jusqu’ici sa politique a été un échec, c’est historique», se réjouit la patronne luzienne du «Nahikari», Anne-Marie Vergez. Elle fut en juin dernier fondatrice, avec des collègues bretons et méditerranéens, de la Plateforme de la petite pêche artisanale, soutenue par les associations écologistes WWF et Greenpeace.
Sur la trentaine de bateaux luziens, une vingtaine entre dans cette catégorie : ils n’ont pas de chalut, mesurent maximum 12 mètres, embarquent au plus 3 personnes, pêchent à la journée et à une distance des côtes qui ne dépasse pas 20 miles. C’est le cas de 80 % de la flotte française, dont les intérêts étaient jusqu’ici peu représentés face à ceux des gros armateurs.
Lobbying
«À notre tour, nous nous sommes mis à faire du lobbying, ce que nous n’avions pas su faire jusqu’à présent», raconte Anne-Marie Vergez. Agréablement surprise par le nombre de voix obtenues, elle veut croire que ce travail a pesé.
Une mesure phare parmi d’autres, effective entre 2014 et 2017 selon les espèces : il sera dorénavant interdit de rejeter les prises non voulues, ces espèces non commercialisables, ou qui n’entrent pas dans les quotas autorisés. «Pour débarquer 20 tonnes de thon, combien un pélagique rejette-t-il de poissons morts en mer ? 30 tonnes, 40 tonnes ? On va voir. Et nous serons sans doute effarés par ce gaspillage», prédit-elle.
Petit pêcheur luzien également, Dominique Dirassar, l’ancien président de Logicoop pointe un système qu’il juge absurde : «En rejetant des poissons qui auraient pu être commercialisables pour ne choisir que les plus beaux, les gros bateaux ont pillé la ressource.»
Reste à savoir ce qu’il adviendra du poisson jusqu’ici rejeté, une fois débarqué au port. Il est question par exemple d’en faire des farines animales. «Alimenter l’aquaculture», cette idée « fait un peu peur » à Anne-Marie Vergez, consciente également des risques de commerce parallèle qui pourrait découler de la nouvelle mesure. «Tout n’est pas parfait, nous allons nous pencher sérieusement sur la question de la commercialisation et de la destination de ces rejets. Une chose est sûre, ils devront être inclus dans les quotas». Si l’interdiction des rejets ne modifiera pas grand-chose à la façon de travailler des artisans pêcheurs, une autre mesure risque par contre de changer la donne. Jusqu’ici le droit de pêche était basé sur l’antériorité. À présent explique Anne-Marie Vergez, «l’accès à la ressource sera basé sur des critères environnementaux.»
Le retour du thon rouge ?
Pour le thon par exemple. «Nous le pêchions seulement s’il venait à notre rencontre près des côtes donc très peu, car les gros bateaux, plus au large, prenaient tout. Pour peu que l’année retenue comme référence, nous n’en ayons pas pêché du tout, il nous était interdit d’en prendre ensuite.»
Au point de devoir rejeter les thons pris à l’occasion, comme le raconte Dominique Dirassar. «Cet été par exemple, la saison n’a pas été terrible. Et s’il nous arrivait d’accrocher un ou deux thons rouges dans nos lignes par hasard, il a fallu les rejeter alors que ça aurait mis un peu de beurre dans les épinards.»
Les cartes à présent rebattues, une vingtaine de pêcheurs luziens et de Capbreton ont demandé l’autorisation de pouvoir pêcher le thon rouge. D’autres espèces seront également concernées.
Dans combien de temps ces mesures entreront-elles en vigueur ? Difficile à dire car les députés européens français UMP et socialistes, ont voté contre. Anne-Marie Vergez craint qu’ils fassent traîner les choses mais retrousse déjà ses manches : «On va être vigilants. Et si les délais sont trop longs, on continuera d’enfoncer les portes.»
(1) 502 voix pour, 137 contre, 27 abstention